Le tatouage en Europe ces derniers siècles
De la stigmatisation à la popularité croissante, l'évolution d'un art
Depuis quelques décennies, l’art de s’encrer la peau s’installe de plus en plus dans notre société moderne. Encore pour les marginaux et les criminels en France ou pour les marins au Royaume-Uni il y a moins d’un siècle, il devient aujourd’hui omniprésent mais reste pourtant très secret.
Les livres d’histoire n’en font pas souvent mention, mais la pratique du tatouage existe depuis bien plus longtemps qu’on le pense sur notre vieux continent. Sans même parler de la momie vieille de plusieurs millénaires Ötzi l’homme des glaces, on sait par exemple que les Romains ont baptisé les Bretons “Brittani” en déformant le mot celte “Pretani” qui signifie “ceux qui sont tatoués” environ cinq cents ans avant Jésus Christ. Mais si cet art était déjà présent si longtemps dans le passé, pourquoi semble-t-il ne se démocratiser que maintenant ?
On peut commencer par citer la pratique romaine des stigmates, une marque au fer rouge faite aux esclaves et considérée comme proche du tatouage, au même titre que la peinture corporelle. La modification corporelle a alors commencé à être associée aux criminels, aux esclaves et aux parias. Sans compter la montée du Judaïsme, du Christiannisme et de l’Islam, ces religions estimant le corps sacré et interdisaient de le défigurer ou de le mutiler par des dessins ou des scarifications. C’est tout naturellement que la pratique s’est perdue au fil du temps.
Si on attribue à Cook tout le mérite de la découverte du tatouage lors de sa seconde expédition en Polynésie en 1769, aucune de ces découvertes n’auraient pu être possibles sans Joseph Banks et Tupaia. Le premier est un naturaliste et le premier européen de cette ère à documenter le tatouage en entrant en contact avec les locaux. C’est de lui que viendra le terme tattoo, anglicisme de “tatau” signifiant “frappé sur la peau” chez les Maori. Le second est un navigateur reconnu et chef religieux local qui les a rejoints après s’être pris de fascination pour l’équipage de Cook et leurs équipements d’astronomie. Sans Tupaia, Cook ne pouvait pas explorer ces îles pour les cartographier. Sans Banks, il ne pouvait pas étudier et documenter les locaux.
De retour en Europe, c’est Banks qui est acclamé pour ses découvertes et finit même ami du roi Georges III. Le tatouage est officiellement documenté pour la première fois et fait son retour historique en Europe. Son retour populaire, il va le faire grâce aux marins. Les matelots, admiratifs de cet art corporel nouveau pour eux et devant occuper les longs trajets sur les flots, ont commencé à le pratiquer. Les conditions hygiéniques à bord étant déplorables, les premiers salons de tatouage naissent au sein des ports quelque temps plus tard.
A partir de là, peu de gens le pratiquent. Les tatoués restent principalement des marins ou des criminels. Surtout en France, où environ un siècle après le retour du tatouage en Europe soit en 1861, le chirurgien naval français Maurice Berchon réalise une étude sur les complications médicales du tatouage qui met en avant les dangers de cette pratique. De cette étude découle une interdiction d’être tatoué pour rejoindre les rangs de la marine et de l'armée. Quelques années plus tard, ce sont les hautes classes sociales qui cèdent à cet art alors de criminel et au début du dix-neuvième siècle, quatre-vingts pour cent de l’aristocratie Britannique était tatouée.
Cet intérêt des riches pour une culture alors considérée criminelle a aidé à la normaliser auprès de la classe moyenne qui commence à s’y intéresser. Malgré les études effectuées sur les pratiques du tatouage orientées en leur défaveur, l’art croît jusqu’à être presque aussi populaire qu’aujourd’hui à notre époque. Avec la montée du facsime et l’arrivée des nazis en Europe faisant fermer les salons et déporter les artistes, le tatouage s’éteint de nouveau.
Ce n’est que vers les années soixante-dix que les artistes s’intéressent de nouveau au tatouage et expérimentent de nouvelles techniques. Dix ans plus tard, un américain nommé Don Ed Hardy décide d’étudier les arts corporels primitifs et fait publier des motifs non-Européens dans un média occidental, marquant la renaissance moderne du tatouage. Avec le temps, les premiers tatouages volontaires pour recouvrir des stigmates de prisonniers sont pratiqués puis l’art du tatouage s’est diversifié jusqu’à proliférer jusqu’à aujourd’hui être installé dans nos quotidiens.