Au cours du siècle passé, le milieu des tatoueurs était très fermé aux États-Unis. C’était à peine s’il y avait un tatoueur par ville et ceux-ci étaient assez réticents à partager leur travail et à enseigner leur savoir. Pour autant, l’Art du tatouage a fortement été pratiqué par les militaires des différentes armées américaines (Navy, Air Force, etc.).
Étant tous obligés de porter la même tenue, d’avoir la même coupe et d’agir de la même façon, les tatouages permettaient aux soldats de se démarquer, de montrer leur identité. Allant des symboles mettant en avant un trait personnel à un signe d’appartenance à une armée voire à un régiment précis, certains croyant également que les tatouages pouvaient leur apporter une protection ou leur porter chance sur le champ de bataille, pour se sentir plus confiants au combat.
Si nombre d’entre eux étaient tatoués, certains étaient eux-mêmes tatoueurs. Parmis eux, Norman Keith Collins, connu aussi sous le nom de Sailor Jerry. Né le 14 janvier 1911 à Reno, dans le Nevada, il a commencé à tatouer au cours des années 20 à Chicago en apprenant auprès des artistes locaux. Enrôlé dans la marine en 1930 à 19 ans, il se retrouve à parcourir le monde et découvre Hawaï et l'Asie du Sud-Est dont il s'imprègne de l'art et de l'imagerie populaire.
Il se formera aux techniques de tatouage hawaïennes et y retournera quelques années plus tard pour y ouvrir son propre salon de tatouage dans le quartier chinois d’Honolulu lorsqu’il sortira de l’armée après s’être entraîné sur ses confrères militaires. Il se fait rapidement un nom en tant que tatoueur talentueux et développe son style distinctif, faisant de son salon un lieu de pèlerinage pour les soldats et marins de passage souhaitant un tatouage et même un lieu de rencontre avec les habitants locaux.
Réputé pour sa philosophie du tatouage selon laquelle ils devaient être significatifs et durables, Sailor Jerry préférait des designs audacieux et iconiques plutôt que de suivre la mode. Il s'approprie alors des symboles liés à la culture maritime : des hirondelles, des ancres, des têtes de mort ou encore des pin-up. En plus d’être un des premiers à utiliser du matériel à usage unique pour tatouer, son style distinctif et son attention méticuleuse aux détails ont contribué à établir les bases du style traditionnel américain qui continue d'être populaire aujourd'hui.
Dès le début de sa carrière, Norman n’a de respect que pour peu d’autres tatoueurs. Passionné par l'art et l'histoire du tatouage, il a passé sa vie à étudier les motifs traditionnels autant japonais qu’américains pour les incorporer dans ses propres designs, contribuant ainsi à la préservation et à la revitalisation du style traditionnel américain.
Fort de son service militaire précédent et de son expérience de tatoueur, Norman se fait engager comme tatoueur officiel de la flotte du Pacifique pour l’armée américaine lorsque la seconde guerre mondiale éclate. Il se retrouve à tatouer les marins et les soldats avant de partir en mission ou au combat. Réalisant des milliers de tatouages pendant son service, proposant des motifs souvent liés à l'identité, au courage et à la camaraderie militaire, lui permettant de perfectionner son interprétation du style traditionnel américain.
En plus d’un apprentissage technique, cette expérience a influencé sa compréhension de l'anatomie et de la manière de travailler sur des surfaces courbes du corps, contribuant à son expertise en matière de placement et de conception de tatouages.
Alors que ses projets deviennent de plus en plus ambitieux, il entre en contact avec un japonais voyageant à Hawaï qui lui donne accès à des photos de tatouages japonais qu’il aurait eu beaucoup de mal à obtenir autrement à cette époque où le tatouage avait des difficultés à traverser les frontières.
Il entame ensuite des correspondances épistolaires avec différents experts japonais du tatouage comme Horioshi II ou encore Kazuo Oguri qui lui permettront d’étudier leurs techniques, faisant évoluer sa patte graphique vers quelque chose de plus coloré et vif tout en le poussant à une rigueur telle qu’elle fera sa renommée, devenant une figure iconique du tatouage américain.
La maîtrise des tatoueurs japonais le fascine à un tel point qu’il s’est lui-même attribué le surnom de Hori Smoku, signifiant Holy Smoker ou Saint Fumeur, titre honorifique afin de montrer qu’il avait su s’approprier le style japonais mais sans être réellement reconnu par ceux auprès de qui il a appris et qu’il a tenté de surpasser.
C’est le 12 Juin 1973 que décède Norman Keith Collins, mais son héritage perdure encore aujourd’hui. Marquée par son dévouement à l'art du tatouage, son service dans la marine américaine et sa contribution au développement du style traditionnel américain, la carrière de Sailor Jerry a laissé une empreinte indélébile dans l'histoire du tatouage et son style continue d'influencer de nombreux artistes du tatouage à travers le monde.
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A bientôt pour un nouvel article !
Sources :
https://tattooing101.com/learn/styles/traditional-sailor-jerry-tattoos/#:~:text=and%20Pacific%20culture.-,Setting%20Up%20Shop%20in%20Honolulu,%E2%80%9CSailor%20Jerry's%20Tattoo%20Shop.%E2%80%9D
https://cool.culturalheritage.org/coolaic/sg/bpg/annual/v31/bpga31-12.pdf
Documentaire Hori Smoku - Sailor Jerry / The Life of Norman Keith Collins